Le harcèlement scolaire vécu chez les enfants
de très grande taille Comprendre ses formes
et ses rouages pour l'anticiper
au mieux ou le déceler à temps
pour agir 

 Définitions 

Le harcèlement se définit lorsqu’un ou plusieurs individus, par effet de groupe, imposent à une 'victime' des violences verbales, physiques ou psychologiques, de manière répétée et sur la durée.

On parle de harcèlement scolaire lorsque les faits concernent un enfant et que de tels agissements ont lieu au sein d’une école, d’un collège ou d’un lycée. Notez que la Justice prend en considération que ces agressions peuvent se poursuivre à l'extérieur de ces établissements, dans des lieux publics, jusqu’au domicile de l'enfant. 

Il est question de cyber-harcèlement lorsque les faits sont réalisés ou publiés sur Internet, sur les forums ou sur les réseaux sociaux, mais aussi par l'envois de SMS  incessants, d'appels ou de mails avec but de nuire à la 'victime', de créer une situation d’emprise sur elle et l'empêcher de réagir.

 les différentes formes 
 de harcèlement 

Le harcèlement peut être de nature :

 verbale 

Intimidations, menaces, moqueries, insultes, propagation de rumeurs, mais aussi aux chantages, etc.

 non-verbale 

Mise à l'écart ou usage de mimes violents comme le geste du pistolet, des mouvements de doigt tranchant la gorge, etc.

 physique 

Toutes sortes de coups, de jets et de destruction d'objets appartenant à la victime, ainsi que des vols, du racket, des extorsions, des enfermements, mais aussi des provocations et menaces de sévices sexuels, ...

Votre enfant peut aussi bien être victime d'une de ces formes de harcèlement ou de plusieurs à la fois, accentuant alors la pression psychologique et la gravité de la situation.

S’il n’est pas repéré à temps, les répercussions du harcèlement peuvent conduire à une détresse psychologique extrême allant de l'autodestruction jusqu’au suicide de l’enfant.

Pour ne pas en arriver là, il est important de déceler le plus tôt possible les signes qui pourraient indiquer que l’enfant est victime de harcèlement scolaire.

 l'âge de l'émerveillement 
 et de l'exploration 

 la psychologie des enfants 

Les jeunes enfants, âgés de 3 à 5 ans, commencent à explorer activement le monde qui les entoure. L'imaginaire et les jeux symboliques prédominent.

Leurs perceptions sont principalement sensorielles et leur expression émotionnelle est souvent directe et non filtrée.

VS

 Prise de conscience de la grande taille 

À la maternelle, c'est surtout à travers le regard et les réflexions que portent sur lui les adultes : parents des copains, membres de la famille, du corps enseignant, médecin, etc., que l'enfant prend réellement conscience de sa différence physique. 

Le risque : à entendre sans arrêt qu'il est grand, l'enfant peut commencer à s'interroger sur la raison de sa présence parmi les autres enfants. L'attention alors portée par ces camarades qui, parfois sous forme de curiosité, ou par des commentaires innocents, peut lui faire se sentir comme un géant parmi des petits.

À long terme, l'enfant grandit avec une peur et une fausse idée de sa propre image. Il développe alors soit une forte timidité ou, a contrario, un comportement très agressif.

 les formes de harcèlement 

Pour tous les enfants, quel que soit leur taille, le harcèlement à cet âge peut se manifester par des comportements tels que l'exclusion, les moqueries ou des comportements agressifs envers l'enfant.

Le problème du harcèlement scolaire à cet âge est qu'il n'est pas toujours facilement décelable par les instances scolaires ou par les parents. En outre, les adultes peuvent confondre une situation de harcèlement avec des chamailleries entre enfants.

 les signes à surveiller 

À ces âges, l'enfant ne sait pas encore verbaliser son mal-être.

Les signes sont alors subtils. Ils peuvent se manifester par un changement soudain dans le comportement de l'enfant : il pleure, devient soudainement irritable ou très agressif à la maison ou sur le chemin de l'école, sans que l'on ne comprenne pourquoi.

Des troubles d'ordre physique peuvent aussi apparaître.

Alors que la propreté est censée être déjà acquise, l'énurésie [= pipi au lit] a lieu aussi bien la nuit qu'en journée.

Des faits de harcèlement peuvent aussi avoir une incidence sur l'alimentation : l'enfant mange moins ou réclame tout le temps de la nourriture et se goinfre lors des repas.

Enfin, des troubles du sommeil peuvent survenir. L'enfant semble fatigué en permanence ; son sommeil est perturbé par des cauchemars causés par des situations vécues qu'il ressasse et l'empêchent de dormir.

 l'âge de la socialisation 
 et de l'apprentissage 
 des savoirs de base 

 la psychologie des enfants 

Lors de la transition vers l'école primaire (6 à 11 ans), les enfants élargissent leurs horizons sociaux et cognitifs. Ils commencent à développer une compréhension plus approfondie du monde qui les entoure, perçu comme de plus en plus complexe et structuré.

Ils acquièrent aussi une conscience sociale. Les amitiés deviennent plus stables et surtout plus influentes ; des groupes se créent par affinités.

VS

 Prise de conscience de la grande taille 

À l'école primaire, la différence de taille devient plus évidente, notamment à la fin de la petite enfance, en CM1-CM2 où l'enfant atteint généralement la taille de l'instituteur·trice.
Ce dernier demande aussi souvent à l'enfant de se placer derrière ses camarades et de s'installer au fond de la salle de cours. Les photos de classe, elles, rendent indéniables cette réalité physique.

 les formes de harcèlement 

Au primaire, le harcèlement peut évoluer vers des formes plus complexes comme le harcèlement verbal et social. Les premiers diminutifs péjoratifs apparaissent "Girafe, Géant vert, Grande saucisse, ...". Stigmatisé, l'enfant peut être exclu des jeux à la récréation, mais aussi chahuté.

 les signes à surveiller 

Comme en maternelle : alimentation, fatigue, somatisation (maux de tête, de ventre). Auxquels on ajoute : des difficultés de concentration et d'apprentissage, le refus d'aller à l'école, un repli sur soi, l'isolement dans sa chambre, l'évitement des activités sociales, une perte d'estime de soi, un comportement dépressif ou agressif.
Soyez également attentif à la présence ou à la dissimulation volontaire de marques de blessures (bleus, bosses) pour lesquelles l'enfant ne parvient pas à donner des explications claires ou ment dans le but de ne pas vous inquiéter. S'il il perd assez souvent ses affaires personnelles, particulièrement celles de valeurs, ou qu'elles sont de plus en plus abîmées quand il rentre de l’école, cela doit vous mettre la puce à l'oreille.

 l'âge des expérimentations   sociales comme individuelles 

 la psychologie des enfants 

Au collège (11 à 15 ans), les enfants commencent à forger leur identité, tout en explorant davantage le monde qui les entoure. L'école devient un lieu où la compétition et la performance gagnent en importance. Les influences des pairs atteignent leur apogée. Les relations amoureuses et amicales prennent de l'importance.
L'adolescence marque également une période de changements rapides, tant sur le plan psychologique que physique : les garçons muent, les filles ont leurs premières règles, etc. 
Par nature, il s'agit de l'âge de la pudeur, du mal-être, de la honte et de la gêne. Le mutisme dans lequel l'adolescent peut s'enfermer est une difficulté supplémentaire pour les parents inquiets. 

VS

 Vécu de la grande taille 

La pression sociale s'intensifie sur les adolescents de très grande taille, confrontés à des stéréotypes et à des attentes liées à leur apparence physique. Les normes de beauté peuvent influencent leur perception de soi et leur intégration sociale.

Chez les jeunes filles, les pressions esthétiques sont encore plus fortes. S'habiller, se chausser comme les autres, être "féminine" devient compliqué. Elles se sentent exclues de la possibilité de devenir de "vraies femmes", écartées des virées shopping.

Chez les garçons, ils sont plus confrontés à des attentes accrues en matière de compétence physique et sportive.

Dans les deux cas, ces difficultés représentent un impact néfaste sur la socialisation de ces adolescents. 

 les formes de harcèlement 

Au collège, la stigmatisation, le rejet, l'exclusion font partis des épreuves appréhendées par tous les ados.

La peur du jugement constant, des menaces verbales répétées, des intimidations parfois physiques génèrent des complexités émotionnelles importantes.

Les efforts pour se fondre dans la masse tout en conservant une identité personnelle peuvent créer un équilibre délicat dans l'esprit de ces adolescents : anxiété, dépression, conduites autodestructrices (comme l'automutilation), voire suicidaires.
Le harcèlement s'étend également au monde virtuel avec le cyber-harcèlement.

Le mal-être de l'adolescent n'a alors plus de limites physiques et fait apparaître des troubles anxio-dépressifs.

 les signes à surveiller 

On guettent les mêmes symptômes qu'à l'école primaire, mais on prête également attention à une utilisation excessive des smartphones, Internet et consoles de jeux, à une baisse significative des résultats scolaires et parfois même à de l'insolence en classe (il arrive en effet que les enfants victimes de harcèlement scolaire adoptent un tel comportement pour essayer de se conformer à l’attitude des élèves les plus populaires et ainsi de faire accepter dans leur groupe).

Le fait que votre enfant vous demande plus fréquemment de l’argent, ou que vous le soupçonniez de vous en voler, doit également vous alerter sur un possible rackette.

Enfin, l'école buissonnière : un enfant en échec scolaire ou se sentant en danger dans l'enceinte de l'école fera tout pour sécher les cours, sans en avertir personne.

 l'âge où l'avenir et l'autonomie   deviennent les principales 
 sources de préoccupation 

 la psychologie des enfants 

Au lycée (15 à 18 ans), les adolescents se préparent à la vie adulte. Ils affinent leur identité, font face à des défis académiques plus complexes. 

Les aspirations professionnelles et éducatives se cristallisent. Ils explorent des centres d'intérêt et des passions, commencent à prendre des décisions importantes concernant leur avenir.

Les relations intimes deviennent plus sérieuses.  

VS

 Vécu de la grande taille 

Au lycée, malgré les complexes, les stigmatisations sont généralement moins ressenties, du fait de la prise en maturité de la majorité des adolescents. Si certains peinent encore atteindre une phase d'acceptation de leur stature (c'est majoritairement le cas chez les jeunes filles), d'autres embrassent leur différence et deviennent alors des modèles positifs.. 

 les formes de harcèlement 

Les formes de harcèlement sont les mêmes qu'au collège : verbales, physiques, numériques. Elles présentent les mêmes pressions sociales avec des conséquences émotionnelles toujours plus profondes.

 les signes à surveiller 

Encore une fois, comme au collège : les symptômes dépressifs, les troubles alimentaires, un retrait social extrême, des comportements destructeurs, des idées suicidaires.

N'attendez pas que votre enfant soit victime de harcèlememnt pour le sensibiliser à ce problème auquel il sera inévitablement confronté, sous la forme la plus légère - entre guillemets - à savoir des réflexions sur sa taillle, à des formesplus violentes comme nous les avons évoquées.

 - 

Dès son plus jeunes âge, développez une communication ouverte avec lui :
• questionnez-le sur ses journées, 
• encouragez-le à exprimer ses émotions 
• éveillez-le à la tolérance, l'empathie, la diversité des individus, au respect et à l'inclusion 
• éduquez-le sur la résilience émotionnelle 

En temps voulu :
• apprenez lui à identifier les différentes formes de harcèlement et à faire la différence entre les victimes, les harceleurs, les suiveurs et les témoins actifs comme passifs 
• assurez-vous qu'il comprenne qu'il est acceptable de demander de l'aide.
• encouragez-le à signaler auprès des enseignants ou des conseillers scolaires des faits de harcèlement dont il serait témoin

 - 

Abordez ensemble le sujet de la grande taille car votre attitude, votre discours au regard de celle-ci influence indéniablement la perception qu'a l'enfant de lui-même et a un impact sur le développement de sa propre assurance.
• partagez votre propre expérience en toute transparence, témoignez-lui les doutes que vous avez eus enfant, puis ado, puis jeune adulte, insistez sur vos fiertés, vos satisfactions et sentiments d'accomplissement ;
• invitez-le à s'intéresser également aux parcours et aux exploits de personnalités médiatiques, artistiques, sportives ou entrepreneuriales, elles aussi de très grande taille ; 

L'idée est de leur montrer que leur singularité physique est peut-être problématique à ce jour,  mais qu'elle est aussi une force à exploiter dans leur avenir proche.

Note : Le rejet volontaire de la grande taille, avec l'intention en apparence bienveillante d'inviter l'enfant à ne surtout pas se faire remarquer, ne peut qu'augmenter sa souffrance. Faire également comme si ce n'était pas un sujet en soi, que "cela n'est finalement, rien, ça va passer", ne suffit pas à l'enfant pour dépasser son complexe.

 - 

Inscrivez-le à des activités extra-scolaires pour le pousser à côtoyer d'autres enfants ravis de se retrouver et de s'épanouir en dehors de l'école. 
Ce peut être la pratique de sport collectif comme le judo, le tennis, voire des sports associés à la notion de 'grande taille', comme le basket, le hand, le volley, ... où il sera certain de se retrouver avec des 'grands' gabarits comme le sien.
Si l'idée ne lui convient pas, proposez-lui d'expérimenter une activité culturelle comme la musique ou le théâtre - monde de tous les possibles, formidable école de l'apprentissage de l'éloquence, de la communication non verbale et de la gestion de l'espace -.

 1. 

Rencontrez les enseignants et les conseillers scolaires pour établir une relation de confiance avec eux et éventuellement les sensibiliser à la stigmatisation et au vécu de la grande taille. 
Il est effectivement malheureusement trop fréquent que ces adultes non avertis considèrent à tort votre enfant pour plus âgé qu'il ne l'est au regard de son apparence physique.

•  vous devez leur faire comprendre que même si votre enfant ressemble à un élève de deux-trois ans de plus, son cerveau et ses capacités d'apprentissages sont bien au même stade de développement que les autres enfants de son âge ;
• déconstruisez aussi le stéréotype, qu'en cas de conflit entre enfants, non ceux de grande taille ne sont suffisamment 'grand' pour se défendre tout seul.

• ayez vous-même aussi conscience que l'origine des faits de harcèlement peuvent venir de la part des camarades de classe, mais aussi parfois, involontairement, de la part des adultes qui ne se rendent pas compte (professeurs, surveillants…) de l'impact qu'ils ont.

 2. 

Enfin, vous pouvez aussi proposer à l'école de collaborer avec eux pour mettre en place des programmes de prévention, comme le permet le Ministère de l’Éducation nationale avec son Plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l'École, présenté en septembre 2023.

Pour plus de renseignements sur les dispositifs en place et en cours de déploiements, rendez-vous sur leur site Internet, à l'adresse suivante :

https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/politique-de-lutte-contre-le-harcelement-l-ecole-289530

 3. 

Si vous n'avez pas la possibilité de vous investir sur cette cause, rappelez-vous que, dans tous les cas, l'éducation nationale doit jouer son rôle en inculquant aux élèves ce qu'est le harcèlement et les conséquences qu'il implique, sans nécessairement nommer les personnes concernées.

 1. 

Sachez que les conséquences pour vous vont aussi être dures.

Peut-être, en effet, que cette annonce vous renvoie face à vous-même, peut-être aussi à votre propre enfance, à des moqueries ou violences dont vous auriez également souffert. Les émotions se bousculent - et c'est normal qu'il en soit ainsi - : culpabilité, colère face à l'injustice, honte de n'avoir rien vu venir, etc. Sortez de la pièce, respirez, intégrez l'information et revenez apaisé·e pour discuter plus sereinement avec votre enfant.

 2. 

Commencez par lui qu’expliquer que ce qu'il vit n'est ni normal, ni de sa faute, ni acceptable, puis rassurez-le en lui disant que vous êtes là pour lui et surtout déculpabilisez-le !

 3. 

Discutez des actions qui peuvent être prises et des conséquences qu'elles peuvent avoir : rencontre avec l'administration scolaire, des associations de parents d'élèves et les autorités policières, si nécessaire.

Si besoin, consultez des professionnels de la santé mentale, tels que des psychologues ou des thérapeutes.

 4.